Zazous dans le métro*
Que celui qui n’a jamais été bloqué dans un endroit
sordide et obscur me jette la première pierre !
Dans cette pièce originale créée par la troupe du
Championnet Loisirs et mise en scène par Françoise Kovacic, sept personnages d'origine et culture diamétralement
opposées restent enfermés dans une station de métro suite à un éboulement. Par
dépit, ils devront unir leur force mentale et physique pour s’échapper d’un
drôle de guêpier.
D'entrée de jeu, le spectateur est lui aussi pris au piège du souterrain qui
mène à cette fameuse station Marie Curie. Pourquoi avoir choisi le patronyme de
la plus célèbre physicienne du 20ème siècle? Y'a-t-il un rapport étroitement
lié au sort de nos compagnons d'infortune? Je sens bouillir votre impatience
telle une marmite de soupe aux légumes croquants un soir d'hiver dans les
Alpages.
Je ne dévoilerai rien. Pas plus que l'épilogue génial que le plus grand des
experts de la police scientifique n'aurait pu déceler.
Au cœur de l'intrigue, notre imagination est ballottée, malmenée, secouée au rythme
de dialogues pétulants.
La mise en scène est orchestrée efficacement alternant jeux de scène cadencés
et pauses logiques, nécessaires à la bonne marche de l’histoire.
Dans une distribution parfaitement repartie, un panel de notre société y est
représenté: Jean-François, un moine franciscain à la chrétienté parfois
discutable. Joshua, un cadre dynamique fort de son arrogance et de ses
multiples conquêtes féminines. Lola, la bimbo sotte mais sensible. Julie,
vieille prostituée sur le retour qui n'embête personne. Elle incarne le mouton
de Panurge de l'histoire. Bonne à rien mais prête à tout.
Marie-Constance, incarne la bourgeoise pas si coincée, mère de quatre enfants
qui n'hésite pas à se mettre au service de l'équipe. Elle ressemble à peu de
chose près au personnage de Madame Le Quesnoy dans « La vie est un long
fleuve tranquille » d’Etienne Chatiliez. Purple Rain, fanatique maladive
du chanteur Philippe Katerine, ne jure que par lui. Loufoque, j’adore !
Angie, punk rebelle nous délecte de son comportement insupportable en cherchant
des noises à tout le monde.
Au-delà de toute critique facile, il est toutefois
insupportable (à mon sens) d'entendre parler de théâtre amateur car cette troupe
regorge de vrais talents qui apportent une fraîcheur et une intelligence à
toutes épreuves semblables à celles que traversent nos héros impuissants et
querelleurs. J'aimerais vous y voir, coincés sur le quai désert d'un métro
parisien avec une lumière pâle et un vieux distributeur à friandises presque
vide qui n'accepte que les francs.
Par ailleurs, j'aimerais faire l'éloge de la première scène incroyablement
réussie sur le plan du jeu et de l'atmosphère régnante. Hautement perchée sur
son nuage d'ivoire, Arletty se donnerait à cœur joie de reprendre sa célèbre
réplique dans un remake intitulé « drôle de rame ».
S'en suivent 45 minutes véritablement dignes d'une pièce de boulevard. Certes,
vous n'y trouverez pas d'amants cachés dans le placard ni de portes claquantes
mais la résonance d'un tuyau de fortune et les joutes verbales suffisent
amplement à notre bonheur. Nous assistons à de vrais échanges dignes d'un match
de tennis de table: ça fuse, ça torpille, ça asticote, ça balance tous azimuts.
Parfois même ça cajole.
Puis, un silence pesant au milieu de l'histoire nous absorbe peu à peu en nous
laissant proie au doute. On ne peut jamais prédire la suite. Encore moins la
fin.
En quelques mots, je laisserai votre imagination jaillir comme une lave en
fusion car le personnage de Ratatouille vous permet de trouver enfin la sortie
de secours après 1h20 de palpitations et de rire.
Cette pièce vous conduit directement vers l’intrigue assurée. Elle suscite
également des réflexions sur nos comportements humains lorsque nous sommes
confrontés aussi bien à l'inattendu qu’au danger.
La descente vertigineuse dans ce sombre huis clos ne vous laissera pas de glace
et vous conduira à l'enfer du décor.
*
Zazou : personnage un peu farfelu, tant par ses idées que par son aspect
physique et sa mine.