mardi 12 février 2013

THEÂTRE


  
Zazous dans le métro*


Que celui qui n’a jamais été bloqué dans un endroit sordide et obscur me jette la première pierre !

Dans cette pièce originale créée par la troupe du Championnet Loisirs et mise en scène par Françoise Kovacic, sept personnages d'origine et culture diamétralement opposées restent enfermés dans une station de métro suite à un éboulement. Par dépit, ils devront unir leur force mentale et physique pour s’échapper d’un drôle de guêpier.

D'entrée de jeu, le spectateur est lui aussi pris au piège du souterrain qui mène à cette fameuse station Marie Curie. Pourquoi avoir choisi le patronyme de la plus célèbre physicienne du 20ème siècle? Y'a-t-il un rapport étroitement lié au sort de nos compagnons d'infortune? Je sens bouillir votre impatience telle une marmite de soupe aux légumes croquants un soir d'hiver dans les Alpages.
Je ne dévoilerai rien. Pas plus que l'épilogue génial que le plus grand des experts de la police scientifique n'aurait pu déceler.
Au cœur de l'intrigue, notre imagination est ballottée, malmenée, secouée au rythme de dialogues pétulants.
La mise en scène est orchestrée efficacement alternant jeux de scène cadencés et pauses logiques, nécessaires à la bonne marche de l’histoire.
Dans une distribution parfaitement repartie, un panel de notre société y est représenté: Jean-François, un moine franciscain à la chrétienté parfois discutable. Joshua, un cadre dynamique fort de son arrogance  et de ses multiples conquêtes féminines. Lola, la bimbo sotte mais sensible. Julie, vieille prostituée sur le retour qui n'embête personne. Elle incarne le mouton de Panurge de l'histoire. Bonne à rien mais prête à tout.
Marie-Constance, incarne la bourgeoise pas si coincée, mère de quatre enfants qui n'hésite pas à se mettre au service de l'équipe. Elle ressemble à peu de chose près au personnage de Madame Le Quesnoy dans « La vie est un long fleuve tranquille » d’Etienne Chatiliez. Purple Rain, fanatique maladive du chanteur Philippe Katerine, ne jure que par lui. Loufoque, j’adore !
Angie, punk rebelle nous délecte de son comportement insupportable en cherchant des noises à tout le monde.

Au-delà de toute critique facile, il est toutefois insupportable (à mon sens) d'entendre parler de théâtre amateur car cette troupe regorge de vrais talents qui apportent une fraîcheur et une intelligence à toutes épreuves semblables à celles que traversent nos héros impuissants et querelleurs. J'aimerais vous y voir, coincés sur le quai désert d'un métro parisien avec une lumière pâle et un vieux distributeur à friandises presque vide qui n'accepte que les francs.

Par ailleurs, j'aimerais faire l'éloge de la première scène incroyablement réussie sur le plan du jeu et de l'atmosphère régnante. Hautement perchée sur son nuage d'ivoire, Arletty se donnerait à cœur joie de reprendre sa célèbre réplique dans un remake intitulé « drôle de rame ».
S'en suivent 45 minutes véritablement dignes d'une pièce de boulevard. Certes, vous n'y trouverez pas d'amants cachés dans le placard ni de portes claquantes mais la résonance d'un tuyau de fortune et les joutes verbales suffisent amplement à notre bonheur. Nous assistons à de vrais échanges dignes d'un match de tennis de table: ça fuse, ça torpille, ça asticote, ça balance tous azimuts. Parfois même ça cajole.
Puis, un silence pesant au milieu de l'histoire nous absorbe peu à peu en nous laissant proie au doute. On ne peut jamais prédire la suite. Encore moins la fin.
En quelques mots, je laisserai votre imagination jaillir comme une lave en fusion car le personnage de Ratatouille vous permet de trouver enfin la sortie de secours après 1h20 de palpitations et de rire.
Cette pièce vous conduit directement vers l’intrigue assurée. Elle suscite également des réflexions sur nos comportements humains lorsque nous sommes confrontés aussi bien à l'inattendu qu’au danger.
La descente vertigineuse dans ce sombre huis clos ne vous laissera pas de glace et vous conduira à l'enfer du décor.

Hervé Gaudin.


* Zazou : personnage un peu farfelu, tant par ses idées que par son aspect physique et sa mine.

lundi 11 février 2013

CESARS PAS CLASSES

Source: purepeople.fr



Le ch’ti n’est pas le bienvenu !

 Le 27 février 2009 aura lieu la 34ème cérémonie des César, secouée par un semblant de scandale médiatique.
Cette célébration sera probablement marquée par l’absence de Dany Boon qui n’a pas oublié de le crier sur les toits. Tel un cavalier surgissant hors de l’ennui servant la noble cause des acteurs comiques, il défend aussi bien son statut de nouvelle star que celui de ses prédécesseurs. Son cheval de bataille semble s’épuiser face à l’entêtement des organisateurs qui préfèrent se voiler les yeux face aux grands succès populaires de ces quinze dernières années. Par conséquent, ce boycott peut être considéré comme un snobisme avéré ou un réel désir de changer les choses.
 Dans ce milieu à l’égocentrisme exacerbé, y’aura-t-il une place réservée au rire? Ne privilégierait-il pas une tradition à couronner un cinéma dit sérieux?
Est-ce alors un caprice de star ou une résistance légitime face un jury hermétique à récompenser les comédies? Un employé de poste a-t-il moins de valeur qu’un Mesrine meurtrier haut en couleurs? Nous sommes en droit de nous poser ces questions mais je doute que l’issue de cette histoire trouve un dénouement aussi heureux que le séjour de Philippe Abrams en terre bergueneuse.

La route de la consécration semble très longue parfois vaine. Souvenez-vous que Bourvil n’a jamais bénéficié de la célèbre sculpture métallique ou que Louis de Funès n’a reçu qu’un César d’honneur. Le prix le plus précieux reste celui décerné par le public. En définitive, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.

Hervé Gaudin.

mardi 5 février 2013

THEÂTRE

source: billetReduc.com




Un jardin extraordinaire

Ma soirée du jeudi 24 mai avait des accents bucoliques au théâtre Théo. La troupe du Championnet Loisirs donnait leur deuxième représentation de la pièce « ça cause dans le jardin » d ‘après le récit « Fantaisies Microcosmiques et Potagères » de Stéphanie Tesson. La mise en scène de Florence Kovacic nous plonge alors dans un monde inexploré et fantaisiste. A 21h45 pétantes, ça papotait sec dans le jardin. Et de suite, ça m’a parlé.
Un décor pastel et semblable à l’univers idéaliste de Christophe Izard, père éternel de l’ile aux enfants, m’a donné envie de m’asseoir sur ce tapis verdoyant en écoutant crisser les ailes des insectes turbulents. Mais détrompez-vous, niaiseries et foutaises étaient mises de côté pour laisser place au verbe. Le vrai, le beau, le complexe, le burlesque, l’inattendu.  Un texte au sucre enrichi comme les multiples saveurs du miel qui enivre nos papilles d’enfants. En somme, les amoureux des mots seront flattés d’écouter ces bestioles alléchées revendiquer la souffrance de leur quotidien. Telle une peinture impressionniste, nous aurions pu appeler cette pièce de théâtre « le plaidoyer sur l’herbe ».
De la fourmi curieuse et pas si besogneuse que La Fontaine l’a décrite à l’araignée persécutée par le genre humain en passant par l’abeille exploitée, nous y trouvons notre place et en prenons pour notre grade. L’homme y est montré des pattes et piqué à vif. Les grands combats de notre société actuelle tels que le racisme, l’indifférence ou l’écologie y sont mentionnés explicitement. Les grandes interrogations philosophiques sur l’amour et la mort nous émeuvent à la toute dernière scène. Freud aurait probablement apprécié la métaphore « insectueuse » entre la libellule romantique et le hanneton machiste.
Pourquoi avoir choisi des insectes pour parler de nous, pauvres larves humaines, destinés à détruire ce qui nous entoure ? La réponse saute aux yeux: les insectes nous côtoient, nous survolent, participent à la beauté de nos jardins florissants et pourtant, nous les ignorons, les insultons, les condamnons, les asphyxions ou les tuons. Sans allégorie politique, ces insectes aimeraient que leur changement vienne maintenant! Au-delà de toute inspiration, la grande morale de ce récit est de mieux regarder les autres afin de mieux les comprendre.

Pour le moment, venez nombreuses et nombreux dans cet intime vase clos au cœur de ce jardin extraordinaire.
Après ce voyage en terre congrue, vous vous sentirez pousser des ailes. Pour ensuite vous envoler vers le plus merveilleux des mondes : celui de la tolérance.

Hervé Gaudin.

lundi 4 février 2013

LOOPER




Un beau loopé

Ce film est à la science fiction ce que le pudding anglais est à la pâtisserie: inutile. En 2044, Joe (Joseph Gordon Hewitt), tueur d'un genre nouveau nommé le looper (le boucleur) élimine, pour le compte de la Mafia agissant en 2074, des témoins gênants propulsés dans le passé grâce à une machine à remonter le temps. Plus concrètement, il finit le sale boulot en échange d'une rémunération généreuse en lingots d'argent.
Sa vie monotone de criminel toxicomane l’amène à se retrouver nez à nez avec lui-même (Bruce Willis) âgé de 30 ans de plus et surtout préoccupé par son avenir car un super vilain appelé le maître de pluies veut supprimer tous les loopers. Viennent se greffer les porte-flingues, sbires peu affectueux du chef pas très cool dans son genre.
Mais voilà, on imagine qu'ils feront copain copain mais que nenni: bien décidé à loger une dragée dans la tête du maître de pluies trente ans avant, le vieux Joe veut faire de vieux os. Pas de bol car c’est un petit garçon élevé au grain (de folie) dans une ferme paumée qu’il devra tuer.
Heureusement que sa jolie maman (Emily Blunt) se donnera cœur et âme pour le défendre avec l’aide bienveillante du looper amouraché de la veuve et fermement déterminé à empêcher un meurtre en milieu agricole façon Label rouge sang.
En définitive, Joseph Gordon Lewitt se comporte comme un méchant mais s’avère plutôt sympa. Bruce Willis est un faux gentil pas si méchant. En revanche, le petit garçon est complètement barge voire inquiétant (avec lui à la récré, tu ne partages pas ton goûter). Et les méchants qui gravitent autour sont par contre de vrais salopards.
Dans cette déception de fin d'année, il ne manquait que notre bon vieux Emmett Brown au volant de sa DeLorean prodiguant les bons conseils pour se balader avec allégresse dans le temps et le T1000, prototype dit indestructible bien plus effrayant avec son pistolet laser que nos héros de pacotille avec leur gros fusil en plastique. Même Flash Gordon était mieux outillé.
Looper ressemble à ce genre de films aux fins bâclées qui vous laissent sur votre faim. Le spectateur, bouché bée devant le générique se demande: "- oui, et alors?"
Si M. Night Shyamalan l'avait réalisé, je n'aurais été plus surpris. Certes vous trouverez de l'action, des bonhommes musclés, des coups de feu à foison, des douilles roulant au sol, du tatouage gravé sur l'épaule, un gros bisou avec la langue, des motos volantes ridicules mais du vide autour.
Contrairement à cette supercherie futuriste, Lucas, Scott, Spielberg, Lynch, Gilliam, Aronofsky  et autres cinéastes avisés offrent une SF pure et dure et nous transportent dans des univers improbables de vérité. Quand je regarde "Star Wars", "Blade Runner", "Brazil" ou "Minority Report", j'y crois. Et j'y croirai toujours et encore.
Bref, "c'est une entourloupe vraiment loupée.

Hervé Gaudin.

HOMMAGE (20 août 2012)



Gloomy wings


Ma nostalgie fut chahutée à l’annonce de sa disparition. Le réalisateur américain Tony Scott s’est donné la mort dimanche à 12h30 en se jetant depuis le pont Vincent Thomas Bridge à San Pedro. Une simple lettre laissée dans sa voiture comme le plus sordide des scénarios. Portées par un talent et une renommée incontestés, ses ailes élancées se sont aussitôt assombries au cours de son dernier envol.
Couronné de nombreux succès comme Top Gun, True romance, USS Alabama ou Ennemi d’état, il révéla et consacra de nombreux talents.
En premier lieu Tom Cruise, tête brûlée moderne de l’école navale, a fait chavirer nos cœurs aux commandes de son F14 Tomcat en 1986.  Ce jeune surdoué a repris les commandes au volant de son bolide vrombissant au circuit de Daytona dans « Jours de tonnerre » (1990) et ses innombrables virages serrés à 360 degrés l’ont propulsé au rang de star mondiale.
Nicole Kidman, sa partenaire du moment y a d’ailleurs trouvé le succès et l’amour. Au gré de ses choix périlleux, Tony Scott savait changer de style et nous étonner à chaque long métrage en modulant les genres, risquant d’alterner le bon et plus récemment le moins bon, les gros succès au box-office ou les rares échecs commerciaux. Spectateur assidu, je laisse volontiers de côté la dernière partie de son œuvre où « Domino » et « Déjà vu » s'avèrent particulièrement décevants. Malgré les maigres critiques que je puisse compter sur mes dix doigts, il savait nous raconter une histoire et nous plonger dans une atmosphère aussi tordue soit-elle. Ses héros avaient de la gueule et envoyaient du bois.
Au cours de sa carrière bien remplie, sa conception du cinéma quelque peu sophistiquée lui permettra de s’asseoir au rang des grands réalisateurs de film d’action. Avec lui, pas de chichis mais du bruit. Ce n’est pas anodin si Jerry Bruckheimer, papa du blockbuster à cent à l’heure, deviendra son producteur attitré.
Par dessus tout, son œil visionnaire savait reconnaître les jeunes pousses en devenir : Val Kilmer, Christian Slater, Will Smith, Kelly Mc Gillis, Meg Ryan ou Patricia Arquette (entre autres) peuvent lui dire merci.
C’est bien plus tard qu’il décida de choisir des personnalités reconnues tels que Brad Pitt et Robert Redford dans «  Spy Game » (2001). Comme son nom l’indique, ce film d’espionnage ambitieux de par son casting s’en est sorti correctement même s’il n’est pas inscrit au Panthéon du genre.
Peu importe, il se rattrapera trois années plus tard avec l’immense « Man on fire » avec le non moins génialissime Denzel Washington qu’il fera tourner cinq fois au total. C’est dans ce film impérieux que la jeune Dakota Fanning fit une entrée remarquée dans le tourbillon des gloires naissantes.
Outre le plaisir des yeux, l’oreille conserve une importance cruciale pour le frère cadet de Ridley Scott (Alien, Blade Runner, Kingdom of heaven). Les bandes originales donnent une véritable ampleur affective à ses films : Danger Zone, Take my breath away (Top gun) et I want your sex (Le flic de Beverly Hills 2) jaillissent comme une braise rougeoyante au fond d’une cheminée. Entre rock et glamour, ces thèmes ravivent nos mémoires tressaillantes et nos désirs les plus enfouis. Pour l’anecdote, Tony Scott avait réalisé le clip de la chanson « One more try » de George Michael. On y retrouve une photographie monochromatique dans une ambiance tamisée. D’un point de vue personnel, la maitrise de la lumière est identique à celle prodiguée dans certaines scènes des films comme « Le Dernier samaritain » (1991) ou « True romance » (1993) où Hans Zimmer avait apporté sa brillante collaboration musicale.
Avant toute chose, n’oublions pas que son premier film « Les prédateurs » (1983) semait le trouble dans le milieu de l’épouvante. Le climat déroutant et limpide comme une saignée à la jugulaire lui prédisait un avenir prometteur grâce à un savoir-faire dont lui seul avait le secret. Dans une distribution audacieuse, Deneuve, Sarandon et Bowie formaient un trio absolument divin. Une ambiance laminée en rouge si lointaine de notre génération Twilight. Scott soignait ses vampires à sa méthode « couic « sans nous laisser de marbre.
Fidèle à ses acteurs, à ses envies, à sa passion du métier, ce réalisateur a rejoint le firmament du 3ème art où l’émotion garde sa place si chère à mon cœur d’adolescent repenti mais toujours épris de sensation forte dans un road movie démesuré, un duel aérien ou une bataille sous-marine.
Salut l’artiste !

Hervé Gaudin.

* le titre Gloomy wings (les ailes sombres) fait référence à la chanson Mighty wings (les ailes du combat) figurant dans la BO du film Top Gun, son premier grand succès au box office américain.